Holacratie – comment développer autonomie et responsabilité

In Gouvernance by Martin Werlen

L’holacratie est un système de gestion d’entreprise qui met l’accent sur la collaboration, la participation et la responsabilisation des employés. Cette approche décentralisée repose sur des cercles de travail, des processus clairs et un système en constante évolution de règles et de rôles. Mais sur quels fondements repose l’Holacratie ? Concrètement, qu’est-ce que cela change dans l’entreprise ? Et comment l’adopter ? Voici quelques réponses issues de notre expérience resiliences (notre modèle est d’inspiration holacratique) et des accompagnements que nous réalisons depuis 2019 …

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Histoire de l’holacratie

L’holacratie a été développée par Brian Robertson dans le début des années 2000 sur le constat que le système traditionnel de gestion hiérarchique menait systématiquement à de la bureaucratie, des jeux de pouvoir, du désengagement, etc. Il a alors choisi de faire de son entreprise, Ternary Software, un laboratoire pour concevoir un système qui permettrait une gouvernance plus efficace.

Au fil des années, l’holacratie a été adoptée par des entreprises comme Zappos, un leader dans le commerce en ligne et Medium, une plateforme de publication en ligne. Si le système s’applique particulièrement bien à une culture américaine, il a aussi été importé en France, notamment par Bernard-Marie Chiquet et son Institut IGI Partners, déployé dans des PME (Arcadi, magasins Biocoop, l’Atelier du Laser…) et expérimenté dans de grandes entreprises (Auchan, M. Bricolage, Castorama, Danone…).

Qu’est ce que l’holacratie ?

L’holacratie est un système d’organisation et de gouvernance qui repose sur quelques principes :

  • La subsidiarité et la responsabilisation des équipes. La subsidiarité est le principe selon lequel une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent pas être réalisées à l’échelon inférieur. Ainsi les décisions sont prises par ceux qui agissent. La responsabilité est dès lors très partagée.
  • L’action est guidée par la Raison d’être et les tensions.
    • Chaque cercle ou rôle possède une raison d’être connectée à la raison d’être de l’organisation. L’ensemble des décisions adoptées et des actions mises en œuvre se doit d’être aligné et de nourrir cette dernière.
    • Chaque tension (écart entre la réalité et ce que l’on souhaite qu’elle soit) donne lieu à des échanges en vue de décider ou d’agir. C’est un moteur pour améliorer l’organisation ou résoudre des problème opérationnels.
  • Des règles explicites. On parle souvent de management constitutionnel pour évoquer l’holacratie. Les règles en entreprise sont souvent informelles et implicites (comment décider, évoluer dans l’entreprise, faire une dépense…). Dans un système holacratique, ces règles sont explicites et transparentes. Certaines sont adoptées dès le départ et relativement immuables (ex : la constitution de l’organisation), d’autres sont plus évolutives (ex : les domaines, les processus).

Comment fonctionne l’holacratie ?

  • Cercles (semi-)autonomes. Les équipes en cercles s’auto-organisent et peuvent adopter leurs propres règles sur la base du consentement. Ils se définissent par un nom, une raison d’être, un ou plusieurs domaines (processus ou actifs qui sont sous le contrôle exclusif du cercle) et une ou plusieurs redevabilités (activités dans la durée pour répondre à sa raison d’être). On dit que ces cercles sont semi-autonomes car ils ont une très grande latitude décisionnelle. Pour autant, certaines décisions son hors de leur domaine ou nécessitent de la coordination. C’est pourquoi chaque cercle est connecté à un cercle supérieur dans lequel “leaders de cercles” et “représentants” participent aux réunions.
  • Rôles. Le rôle est la plus petite entité organisationnelle, il ne contient que lui. Il est aussi défini par un nom, une raison d’être, des redevabilités et des domaines. Un rôle est énergisé par un ou plusieurs individus qui gèrent les redevabilités, décident des actions et les exécutent. Il existe des rôles structurels parmi lesquels le secrétaire, le facilitateur et le leader de cercle. Ce dernier, souvent comparé à un rôle de manager, est pourtant dépourvu de l’immense majorité de ses responsabilités. Tout ce qu’il peut faire est d’affecter les rôles et de rappeler les priorités.
  • Triage : gérer les tensions opérationnelles du cercle (souvent hebdomadaires),
  • Gouvernance : déterminer ou faire évoluer les politiques, processus et redevabilités du cercle ou des rôles qu’il contient,
  • Tactique : prioriser les projets en fonction de la stratégie déployée et de la raison d’être
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Illustration d’une gouvernance holacratique par Holaspirit, outil de gouvernance.

Quelles différences avec la sociocratie ?

La sociocratie et l’holacratie sont deux systèmes de gouvernance d’entreprise qui se ressemblent, mais dont les différences clés ne sont pas anodines pour autant. À commencer par leur philosophie de départ : la sociocratie est fondée sur la participation équitable et la collaboration, tandis que l’holacratie se concentre sur la responsabilité et l’autorité déléguées.

L’approche décisionnelle diffère aussi entre sociocratie et holacratie. Dans le premier système, on utilise quasiment majoritairement la prise de décision par consentement, donc collective ; là où l’holacratie renvoie beaucoup à la responsabilité individuelle de chacun dans son rôle. En effet, une fois défini collectivement ce qui est attendu de lui, le rôle a toute latitude décisionnelle.

Enfin, l’holacratie formalise et explicite bien davantage les règles communes (à travers une constitution) et des réunions au fonctionnement bien spécifique.

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Quels sont les avantages recherchés de l’holacratie ?

L’holacratie entend offrir de nombreux avantages aux entreprises tels que :

  1. Agilité : L’holacratie permet une grande flexibilité (sa gouvernance est évolutive) pour les entreprises en leur permettant de s’adapter rapidement aux changements,
  2. Responsabilité et autonomie : Les employés sont encouragés à prendre des décisions et à être responsables de leur travail permettant de développer l’engagement au travail,
  3. Transparence et communication : L’holacratie encourage une communication claire et transparente améliorant ainsi la collaboration,
  4. Clarté des rôles et des responsabilités : Les équipes comprennent mieux leur rôle et leur responsabilité grâce à une structure claire des cercles et des processus de prise de décision,
  5. Culture de confiance : L’holacratie peut créer une culture de confiance en permettant aux employés de travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs.

Quelles sont les limites et critiques de ce système de gouvernance ?

Les entreprises qui expérimentent ou ont mis derrière elles l’holacratie soulignent différentes difficultés rencontrées :

  • L’investissement nécessaire. L’holacratie revêt une certaine complexité de règles, processus, fonctionnements qui nécessitent accompagnement et formations. Mettre en place un système holacratique représente un coût et un investissement temps non-négligeables, même si comparés au coût du désengagement et de la bureaucratie des entreprises classiques, le bénéfice à moyen terme est probable.
  • La rigidité et la déshumanisation. La signature d’une constitution, le rythme des réunions, la manière de les faciliter (”de quoi as-tu besoin ?”), la rigueur de ses processus … suscitent bien souvent de la frustration. L’holacratie amène, en effet, une dissociation de l’organisation et des personnes – des rôles et des individus qui l’énergisent – qui mènent parfois à une rigidification des relations humaines. Rien n’empêche pour autant de créer des espaces sociaux pour créer du lien et de la cohésion : partage, retour d’expérience, feedback…
  • La capacité à être déployée dans des ETI et grandes entreprises. L’holacratie, en tant que système, offre l’opportunité de faire évoluer tous les processus et modes de fonctionnement de l’entreprise. Or dans les grandes entreprises, la mise en place dans une direction d’un système holacratique vient naturellement se heurter au système traditionnel qui reste majoritairement en place : impossibilité de changer le mode de recrutement, de rémunération, d’évolution professionnelle… Cette friction de cultures et de systèmes suscite des injonctions paradoxales difficilement tenables. Par ailleurs, dans ces structures, on peut noter une difficulté à acculturer l’ensemble des salariés. Le système devient alors fragile car il ne repose plus que sur la capacité des “leaders de cercle” à conforter les équipes dans leur droit à l’autonomie.

Dans une étude réalisée auprès de 7 entreprises ayant adopté l’holacratie, Damien Richard (2020) considère que ce mode de fonctionnement ne peut convenir qu’à des personnes qui souhaitent un environnement de travail caractérisé par « un haut niveau de réflexivité, d’autonomie et de partage des fonctions ».

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Et si l’hybridation était notre salut

Au sein de resiliences, nous pensons qu’un modèle, même éprouvé dans différentes entreprises, ne peut s’appliquer partout. En fonction de l’histoire et de la culture d’une organisation et des intentions de son dirigeant, les modalités organisationnelles ne pourront être les mêmes qu’ailleurs. Nous sommes pour l’hybridation de différents modèles (holacratie, sociocratie, cellulaire..), philosophies (entreprise libérée, opale..), voire méthodes (agiles, lean..) pour concevoir et expérimenter un système “sur mesure”. C’est notre approche au sein de resiliences. Si c’est la vôtre aussi, discutons en ensemble autour d’un café ou d’une visio !

Images : MidJourney


Et en synthèse une infographie made by resiliences.

infographie holacratie