Le pouvoir de l’écoute au travail : une compétence sous-évaluée

In Management by Mathilde Brière

Dans le monde du travail, où chaque compétence et chaque atout sont scrutés à la loupe, il est étonnant de constater que l’une des compétences les plus fondamentales est souvent négligée : l’écoute. Une étude récente publiée en 2022 dans l’Annual Review of Organizational Psychology and Organizational Behavior met en lumière l’importance cruciale de l’écoute dans le milieu professionnel, une compétence allant bien au-delà de la simple réception auditive.

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L’écoute : bien plus qu’une simple compétence

Pendant une conversation orale, l’écoute n’est pas seulement le fait d’entendre ce que quelqu’un dit. L’écoute est un processus complexe et actif qui nécessite de la concentration, de la compréhension et de l’empathie. L’écoute englobe trois constructions causalement liées : (1) les comportements inobservables de l’auditeur, qui influencent (2) les comportements observables de l’auditeur, qui à leur tour jouent sur (3) les perceptions et les évaluations du locuteur. C’est un phénomène dyadique, bénéfique à la fois pour l’auditeur et l’orateur. Lorsqu’elle est pratiquée efficacement, l’écoute peut conduire à un état « d’unité », où les deux parties traversent un processus de pensée créative mutuelle.

Entrer dans l’écoute

L’écoute commence par l’attention active, où l’auditeur se concentre pleinement sur l’orateur, mettant de côté ses propres pensées et distractions. Ensuite vient la compréhension, où l’auditeur essaie d’adopter le cadre cognitif et émotionnel de l’orateur, cherchant à saisir pleinement le message transmis. Ce n’est pas seulement une question de comprendre les mots, mais aussi les émotions et les intentions qui les sous-tendent. Enfin, une bonne écoute implique une intention bienveillante, où l’auditeur, sans jugement, a l’intention d’aider l’orateur à se développer psychologiquement (acquérir des connaissances et résoudre ses problèmes par lui-même). Elle est alimentée par une conviction préalable : que les orateurs peuvent notamment résoudre leurs problèmes en étant simplement écoutés.

Les signaux manifestes d’une bonne écoute

Les signaux manifestes d’une bonne écoute sont ces comportements verbaux et non-verbaux, visibles et tangibles qui démontrent à l’orateur que l’auditeur est pleinement engagé dans la conversation. Parmi ces signaux, on trouve le contact visuel soutenu, qui montre que l’auditeur est attentif et présent. Le hochement de tête à intervalles appropriés indique non seulement que l’auditeur suit le discours, mais qu’il comprend également le message. Le paraphrasage, où l’auditeur reformule ce que l’orateur vient de dire, est un autre signal puissant, car il montre une volonté de comprendre le message envoyé. De plus, poser des questions pour clarifier ou approfondir certains points démontre un intérêt véritable pour le sujet. Enfin, la réflexion des sentiments, où l’auditeur reconnaît et valide les émotions de l’orateur (ex : grimacer à une histoire embarrassante ou rire à une blague), est un signe d’empathie et de compréhension profonde. Ensemble, ces signaux manifestes forment la base d’une écoute efficace, renforçant la confiance et l’intimité entre l’orateur et l’auditeur.

Des signaux verbaux ou non verbaux peuvent également indiquer une mauvaise écoute : couper la parole, changer de sujet, utiliser un ton qui traduit l’impatience, donner des conseils non sollicités, effectuer une double tâche (par exemple, regarder son téléphone), se désengager physiquement de la conversation ou hausser de sourcils, signalant que l’auditeur doute de l’orateur et prépare déjà une réponse au lieu de se concentrer sur le message de l’orateur. 

Notez toutefois que c’est la somme d’éléments qui définit le phénomène. Aucun comportement manifeste spécifique n’est nécessaire ou suffisant pour indiquer une bonne écoute. Par exemple, le fait de ne pas établir de contact visuel et de donner des conseils est considéré comme un signe de mauvaise écoute, mais une bonne écoute peut avoir lieu sans contact visuel (par exemple, au téléphone), et un conseil opportun peut être interprété comme une bonne écoute. Ainsi, c’est la somme de ces éléments, perçus par le locuteur, qui viendra influencer son sentiment d’être écouté ou non.

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Des bénéfices insoupçonnés

De multiples recherches le mettent en avant : une écoute de qualité est associée à une multitude d’avantages organisationnels tels que l’amélioration de la performance au travail, des relations de travail, de la connaissance du travail, des attitudes au travail, de l’engagement au travail et du bien-être général.

Parmi les exemples les plus parlants, des travaux soulignent que la corrélation entre le salaire et la satisfaction professionnelle n’est que de 0,15, tandis que la corrélation entre la qualité de l’écoute perçue des managers et la satisfaction professionnelle des employés est de 0,43 ! L’investissement dans la formation des managers semblerait être beaucoup plus rentable que simplement augmenter les salaires des employés.

L’écoute n’est pas seulement une compétence « douce », elle a un impact mesurable et significatif sur la performance au travail. En tant que phénomène dyadique, elle profite à la fois à celui qui écoute et à celui qui parle. L’intimité étant une propriété de la dyade locuteur-auditeur, elle facilite la création d’un moment de convivialité. Dans cet état, les membres de la dyade sont ouverts d’esprit et le processus d’écoute apporte de la clarté, facilite la créativité, le changement et renforce la relation de confiance

Néanmoins, l’écoute n’est pas une compétence monolithique qui produit toujours les mêmes résultats. Elle est influencée par une variété de facteurs, tant du côté de l’orateur que de l’auditeur, qui peuvent modérer son efficacité et ses avantages. A titre d’exemple, l’écoute augmente la sécurité psychologique des locuteurs en moyenne, mais pas pour les locuteurs ayant un style d’attachement évitant (c’est-à-dire qui ne se sentent pas à l’aise avec l’intimité). En effet, les personnes ayant un style d’attachement évitant sont plus souvent résistantes à l’intimité créée par l’écoute. Par ailleurs, l’écoute implique un compromis de statut social : une bonne écoute confère à l’auditeur un plus grand prestige, mais elle réduit la disparité de pouvoir perçue au sein de la dyade locuteur-auditeur et dilue ainsi le statut de l’auditeur basé sur la dominance. Par conséquent, les individus qui fondent leur statut sur la dominance pourraient ne pas être de bons auditeurs.

Une compétence sous-évaluée

Malgré ces avantages évidents, l’écoute reste une compétence sous-évaluée dans le monde professionnel. Les employeurs et les recruteurs valorisent les travailleurs et les candidats possédant de bonnes compétences d’écoute, mais cette compétence est souvent absente de la formation en management. Dans un monde où la communication est plus importante que jamais, former ses managers et collaborateurs à l’écoute peut avoir un impact profond sur l’organisation. Non seulement cela améliorera la communication et la collaboration, mais cela renforcera également la confiance, l’engagement et la satisfaction au travail.

Et si finalement une bonne écoute était la clé du succès de votre organisation ?

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