
Si la majorité des entreprises s’emploie à en finir avec les chefs “command-control”, il n’y a pas de définition partagée du manager censé les remplacer. La plupart des entreprises plébiscitent un style de management “participatif”, certaines prêtent au manager un rôle de facilitateur ou de coach, d’autres le veulent “au service” de leur équipe. Le “nouveau” manager tendrait donc à développer l’autonomie, la coopération et la responsabilisation de son équipe. Mais comment faire évoluer les rôles du manager, de façon pragmatique ?
Voici quelques réponses issus de notre exploration depuis 2019 d’organisations pionnières et des enseignements que nous en retirons. Si vous ne l’avez pas déjà fait, nous vous invitons à lire notre article organiser votre équipe autour de rôles ; sa lecture vous sera utile avant de dévorer celui-ci !
Pourquoi distribuer les rôles du manager ?
La majorité des entreprises, face à un monde instable et complexe, sont passées d’un enjeu de productivité à un enjeu d’innovation et d’adaptation. Dans ce nouveau paradigme, elles cherchent à faire évoluer leur organisation et leur management :
- Transformation organisationnelle – comment diminuer les couches managériales, retrouver de la transversalité, revenir en arrière sur l’ultra-spécialisation des équipes ?
- Transformation managériale – comment faire passer le manager, avec sa légitimité actuelle – décider – et ses (in)compétences, d’un mode “j’ai l’information, je commande, je contrôle” à “je partage l’information, je mets mon équipe en capacité de décider seule, et je soutiens leur responsabilisation” ? (lire plus ici)
Face à ces transformations, le manager est à la fois maillon et sujet du changement (lire notre interview de Brigitte Nivet à ce sujet). Il doit endosser de nouveaux rôles (développer la sécurité psychologique de son équipe, écouter, soutenir, développer des talents…). Mais comment faire alors qu’il cumule déjà tant de rôles ? Un des leviers essentiels est de “distribuer” au sein de son équipe certains de ses rôles, afin d’offrir des opportunités de leadership à son équipe, et se concentrer, quant à lui, sur l’essentiel.
Quelles sont les missions du manager dans une organisation distribuée ?
Dans une organisation classique, les responsabilités du manager sont innombrables : définir les responsabilités de chacun, définir la manière dont se fait le travail, fixer les objectifs et contrôler les résultats, répartir et coordonner le travail, arbitrer les choix opérationnels, être responsable et redevable de l’atteinte des objectifs de son équipe. Mais aussi : animer et diriger les temps collectifs, gérer les tensions entre collaborateurs, décider des augmentations et des promotions, assurer le développement des compétences de ses collaborateurs, recruter…
A contrario, dans une organisation dite distribuée ou responsabilisante, le rôle du manager est le plus souvent réduit à l’essentiel. Il ne s’agit pas de se « décharger » de ses responsabilités sur les membres de son équipe, mais plutôt de distribuer un certain nombre de ses prérogatives et de se recentrer dans un rôle d’accompagnateur. Prenons l’exemple du manager dans une organisation de type holacratique. Ses “redevabilités” sont peu nombreuses :
- Affecter des personnes aux rôles de l’équipe, suivre l’adéquation et réaffecter au besoin,
- Couvrir les rôles non affectés,
- Définir les priorités et les stratégies.
On pourra parfois aussi identifier sur ce rôle de manager des redevabilités comme allouer les ressources aux rôles et projets, définir les indicateurs de performance.
La liste est beaucoup plus courte et l’état d’esprit est différent : le manager est responsable du respect des règles du jeu et du cadre d’autonomie et de responsabilisation des équipes.
Comment sont réparties ses anciennes responsabilités dans l’équipe ?
Ses responsabilités peuvent être de deux types :
- Une série de redevabilités qui peuvent constituer un nouveau rôle,
- Un pouvoir décisionnel dans des processus clés de l’équipe qui peut être confié à d’autres.
Commençons par le premier cas. Les responsabilités traditionnelles du manager peuvent être distribuées via des rôles formalisés au sein de l’équipe (pour une meilleure compréhension, lire notre article organiser votre équipe autour de rôles). Par exemple :
- Facilitateur : anime les réunions d’équipe, veille à une prise de parole équilibrée et à leur efficacité,
- Scribe : formalise et rend accessible les comptes-rendus des réunions d’équipe,
- Organisateur des temps collectifs : conçoit et organise les séminaires d’équipe et temps informels propices à la cohésion d’équipe,
- “Méta” : porte son attention sur la tenue des temps et partage son regard au service de l’amélioration continue.


Figure 1 – exemple de distribution des rôles sur plusieurs personnes via l’outil Rolebase, partenaire de Resiliences
Dans le deuxième cas, d’autres responsabilités relatives à des processus décisionnels peuvent être distribuées à des membres de l’équipe : entretiens annuels, allocation des ressources budgétaires, augmentations salariales, recrutement… Le fonctionnement de ces processus ainsi que le pouvoir décisionnel du manager dans lesdits processus peuvent être distribués.
Nous vous invitons, à ce titre, à lire l’excellent article de Makesense sur son modèle de rémunération. Leur comité de développement remplace l’entretien annuel effectué par le manager. Un comité de rémunération composé de 5 collaborateurs élus par les salariés se charge de suivre le processus d’affectation démocratique des augmentations. Un affichage public des rémunérations et décisions d’augmentation assure un contrôle par les pairs efficace.
Considérer la fonction managériale non pas par le champ des responsabilités qui lui incombent mais par sa raison d’être profonde invite à distribuer ses missions traditionnelles. Il existe d’innombrables configurations de répartitions de rôles, mais elles ont en commun de recentrer le manager sur sa mission principale et d’offrir des opportunités de leadership à son équipe. Il n’y a plus qu’à essayer !

Martin est consultant spécialiste de la transformation des organisations et accompagne depuis 10 ans des entreprises et leurs dirigeants. Co-fondateur de Resiliences, il accompagne aujourd’hui les entreprises pour se transformer, créer des communautés et explorer de nouvelles pratiques de collaboration. Il s’intéresse à toutes les transformations du travail, les expérimente au quotidien et travaille à détecter les signaux faibles qui permettent de dessiner le futur des organisations.