Et si notre époque, marquée par de multiples crises et mutations, annonçait un changement de paradigme organisationnel ? Pourquoi et pour quoi transformer son organisation ? Décryptage des tensions à l’oeuvre au sein des collectifs de travail.
Quoi de neuf pour les organisations ?
Covid, crise énergétique, sociale, Gilets jaunes, guerre en Ukraine… Il ne vous a pas échappé que la dernière décennie a été marquée par une multiplicité de crises qui ont plongé nos entreprises dans l’incertitude. Notre période se caractérise par l’interdépendance accrue des entreprises partout dans le monde, l’accroissement sans précédent d’information que nous ne parvenons plus à intégrer (infobésité) ou à comprendre (ambiguïté) et par l’imprévisibilité des perturbations. Et les prochaines décennies ne s’annoncent pas plus stables…
Bien évidemment, les crises ne datent pas du début du XXIe siècle. Pour autant, être dirigeant.e d’une entreprise avant les années 2000 relevait plutôt d’un enjeu de productivité – produire plus avec moins, car on naviguait dans un monde relativement certain, en étant capable de faire des plans stratégiques à 5 ou 10 ans. Le risque venait principalement des concurrents et même si la globalisation était en marche, une crise à l’autre bout de la Terre ne faisait pas beaucoup de remous chez nous.
Aujourd’hui, c’est tout l’inverse. Rencontrez-vous souvent des entreprises qui font le bilan de leur plan stratégique à 5 ans en se disant « nickel, ça s’est passé comme prévu » ? Dans un monde instable, complexe et ambigu, l’enjeu des entreprises est à présent d’innover et de s’adapter. Innover pour continuer d’exister et s’adapter à un monde toujours plus fluctuant.
Un changement de paradigme ?
« Un paradigme est le cadre de réflexions et de pratiques d’une communauté à une époque donnée » écrit Jean-Pierre Luminet (astrophysicien français). S’il est sans doute audacieux de parler de nouveau paradigme organisationnel pour penser la transformation des entreprises au virage des années 2000-2010, le raisonnement qui voudrait que ce soit alors « une mode managériale » serait tout à fait fallacieux. On ne peut pas mettre le baby-foot, la siesta break et le chief happiness officer au même niveau que la transformation de fond qui se joue dans les entreprises depuis quelques décennies : la métamorphose de l’entreprise Tayloriste.
En effet, l’entreprise pyramidale, fondée sur des principes de division, de spécialisation du travail et de centralisation de la prise de décision montre ses limites. Pour s’adapter et innover rapidement, l’entreprise a besoin d’agilité, de vitesse d’exécution, d’expérimentation, de nouvelles formes d’engagement… et l’organisation mécaniste du travail, comme nous la connaissons depuis un siècle, se grippe.
Évolution du management et des organisations
Au sein de Resiliences, nous considérons que les entreprises doivent passer d’un enjeu de productivité à un enjeu d’innovation et d’adaptation et que cela nécessite une transformation de l’organisation. Voilà de nouvelles tensions qui émergent, de nouveaux équilibres à trouver dans l’organisation et non pas une opposition entre un “ancien modèle” et un “nouveau modèle” (qui pourrait d’ailleurs dire qu’est ce qui remplacera l’organisation pyramidale ?).
Profit <> Raison d’être et impact
La pensée selon laquelle “La responsabilité sociale de l’entreprise est d’augmenter les bénéfices” (Friedman, 1970) semble bien caduque aujourd’hui. En témoigne les labels BCorp ou le mouvement des entreprises à mission, caractéristiques d’une forme de “sociétalisation des entreprises” (Pierre-Yves Gomez, Professeur à l’EM-Lyon). Citoyens, consommateurs, salariés, fournisseurs demandent de la transparence sur les activités de l’entreprise. De plus en plus d’entreprises se saisissent de cette opportunité, souvent avec authenticité, pour définir leur raison d’être, au delà de l’unique recherche de lucrativité, et se donner des objectifs pour contribuer à la transition sociale et environnementale. Alors la recherche de profit ne disparait pas mais n’est plus l’unique finalité ou est mis au service de la raison d’être de l’entreprise.
Autorité centralisée <> Prise de décision distribuée
“Un chef pour décider”, voilà une idée qui séduit de moins en moins. Si la décision dans les entreprises pyramidales a le mérite d’être rapide et parfois efficace, elle suscite néanmoins souvent des résistances, réduit l’engagement des salariés et occulte complètement la capacité d’initiative des salariés. Pour autant, penser qu’”on peut tout décider collectivement dans une entreprise” est une impasse évidente. L’enjeu pour les organisations dans leur transformation est de recourir davantage à des décisions collectives, avoir des hiérarchies plus dynamiques et démocratiques et faire participer davantage les collaborateurs.
Management directif <> Management au service
La transformation organisationnelle impose forcément une évolution de la posture, du rôle et des compétences du manager. Il s’agit de passer d’un chef qui “a l’information, commande et contrôle” à un manager qui “partage l’information, soutient la prise de décision collective et met en place des contrôles collectifs. Une sacré crise de légitimité pour le manager qui tire souvent son pouvoir de l’information ou de son droit statutaire à imposer des décisions. Il s’agit alors de développer de nouvelles compétences : faciliter en intelligence collective, faire du feedback, faciliter des prises de décision collectives…
Planification et prévision stratégique <> Expérimentation et droit à l’erreur
Les entreprises ne doivent bien évidemment pas s’interdire de faire des plans d’entreprise à 5 ans, mais conscientes des fluctuations à venir, elles développent des stratégies d’innovation par itération et expérimentation. Les entreprises investissent pour développer l’intrapreneuriat et multiplient les partenariats avec toutes tailles de structure. Elles prennent conscience que dans leur écosystème, la “coopétition” – ou coopération de circonstance – est à présent de mise. Mais pour qu’une réelle culture d’innovation permette d’identifier de nouveaux marchés, le droit à l’erreur des équipes est nécessaire. Pas seulement comme une injonction mais de façon incarnée dans les pratiques et rituels de l’entreprise.
Contrôle et secret <> Confiance et transparence
« La confiance exclut le contrôle » écrit Isaac Getz, penseur de l’entreprise libérée, pour contrer la célèbre citation attribuée à Lénine : « La confiance n’exclut pas le contrôle ». S’il s’agit en effet de mettre en place un management “par la confiance” qui s’appuie sur les théories de la motivation – se sentir autonome, compétent et appartenir -, le contrôle n’en est pas pour autant absent. C’est sa nature qui change – d’un contrôle “coercitif” à “capacitant” – et celui qui l’opère – du manager vers le collectif. La transparence est alors bien souvent utilisée pour générer de l’information, mais aussi du contrôle par le collectif.
Faites le test : où en est votre entreprise dans ce changement de paradigme organisationnel ?
Au sein de Resiliences, nous avons développé un questionnaire vous permettant d’auto-évaluer le niveau d’avancement de votre transformation au regard du changement de paradigme organisationnel décrit ici.
25 questions qui vous prendront 5 à 10 min à répondre avant de recevoir instantanément vos résultats.
Le test n’est plus disponible en ce moment, demandez-nous le lien pour y accéder en cliquant ici.
Martin est consultant spécialiste de la transformation des organisations et accompagne depuis 10 ans des entreprises et leurs dirigeants. Co-fondateur de Resiliences, il accompagne aujourd’hui les entreprises pour se transformer, créer des communautés et explorer de nouvelles pratiques de collaboration. Il s’intéresse à toutes les transformations du travail, les expérimente au quotidien et travaille à détecter les signaux faibles qui permettent de dessiner le futur des organisations.