Martin a rencontré Arnaud Cavelier, inventeur du vote nuancé® et créateur de la plateforme https://app.de-co.fr/. Le vote nuancé est une puissante méthodologie d’aide à la décision collective qui fédère, permet l’expression de tous, tout en étant efficace et rapide. Dans cette interview, Arnaud revient sur les limites du scrutin uninominal et les différences avec le jugement majoritaire et nous explique l’intérêt du vote nuancé en entreprise.
Martin : Qu’est-ce que le vote nuancé ?
Arnaud : Le vote nuancé est une méthode de décision ou d’avis collectifs qui permet une meilleure représentativité des participants, respecte l’anonymat et permet d’éviter les influences tout en favorisant la nuance. Il permet de solliciter l’avis d’un groupe en proposant à ses participants de se positionner, non pas sur une proposition, mais sur toutes les propositions à partir d’une échelle d’appréciation avec autant de mentions « pour » que « contre ».
Le vote nuancé, ça sert à décider de quoi ?
Le vote nuancé pourrait servir dans la société que ce soit pour l’élection présidentielle, des référendums ou des élections dans des partis politiques ; mais on peut bien évidemment y recourir aussi dans l’entreprise. Plusieurs exemples dans le champ du statutaire – élection du CSE (Comité social et économique : instance de représentation du personnel), d’un Conseil d’Administration, etc. – mais aussi pour des enjeux opérationnels – consultation RH, choix de logo, destination séminaire, concours entrepreneurial, étude marketing…
Le vote nuancé fonctionne merveilleusement bien lorsqu’il y a minima 3 actions / propositions / projets sur la table et minimum 4 participants. On peut l’utiliser de manière consultative autant que décisionnelle. La seule limite est la capacité à donner le bon niveau d’information à l’ensemble des participants.
« Dès la 6e avec l’élection des délégués de classe, on fait face à un conflit de loyauté en ne pouvant pas voter pour ses deux meilleurs amis »
Quelle différence avec le vote à la majorité ?
D’abord, on parle plutôt de « vote uninominal » – ou vote au préféré – plutôt qu’« à la majorité ». En effet, dans l’élection présidentielle, avec un deuxième tour, il est difficile de parler de « majorité » alors qu’on demande aux participants de changer leur avis entre deux tours (en 2022, on estime à 20 millions le nombre de reports de voix) ou qu’on observe des « votes tactiques » dès le premier tour.
On peut faire mieux en termes de démocratie. Et c’est le pari du vote nuancé en offrant la possibilité de donner son avis sur toutes les propositions et en luttant contre le partage de voix. Fini les stratégies de vote, chacun peut partager son avis avec authenticité.
Quelle différence avec le jugement majoritaire ?
Le vote nuancé s’inspire justement du mode de scrutin du jugement majoritaire. Ce dernier a été inventé il y a une vingtaine d’années par des chercheurs du CNRS. Popularisé notamment dans le cadre de la primaire.org dès 2016, le jugement majoritaire propose que le gagnant soit déterminé en se référant à la médiane. Avec ce type de dépouillement, on a une proposition gagnante dès lors qu’on a 50% des participants les plus « pour ».
Dans le cadre du « vote nuancé », tous les avis comptent et font le résultat : la proposition gagnante est celle qui emporte le plus de « pour » et le moins de « contre ». Le dépouillement des résultats est beaucoup plus simple et l’affichage des résultats aussi.
Pourquoi inviter de nouvelles modalités décisionnelles, aujourd’hui ? Et pourquoi ça peine à se développer ?
Dès la 6ème avec l’élection des délégués de classe, on fait alors face à un conflit de loyauté en ne pouvant pas voter pour ses deux meilleurs amis. On est très habitué au scrutin uninominal ; dès lors, il est difficile d’imaginer des alternatives.
Pourquoi le vote nuancé peine à se développer dans la société ? C’est aussi parce qu’en changeant de mode de scrutin, nous n’aurions pas les mêmes candidats. Le vote nuancé requiert d’être soutenu et pas désapprouvé, contrairement au scrutin uninominal. C’est un changement sans doute très radical.
Dans les entreprises cependant, le vote nuancé peut être adopté assez facilement. Contrairement à la décision par consentement, et avec le soutien du numérique qui permet le secret et l’anonymat (essayez via https://app.de-co.fr/), ce mode de décision collective est rapide et efficace. On peut même faire un premier vote nuancé à froid, se servir des résultats pour discuter et argumenter avant de revoter pour décision. La seule limite est la capacité des dirigeant.e.s à partager le pouvoir et faire confiance à leurs équipes. Avec 14 000 votes sur la plateforme, le vote nuancé se développe rapidement.
Martin est consultant spécialiste de la transformation des organisations et accompagne depuis 10 ans des entreprises et leurs dirigeants. Co-fondateur de Resiliences, il accompagne aujourd’hui les entreprises pour se transformer, créer des communautés et explorer de nouvelles pratiques de collaboration. Il s’intéresse à toutes les transformations du travail, les expérimente au quotidien et travaille à détecter les signaux faibles qui permettent de dessiner le futur des organisations.